Fièrement originaire de Savoie, Ugo Ferrari est un personnage entier jamais à court d’idées. D’abord traileur, ensuite speaker puis organisateur, la vie d’Ugo est rythmée par la course à pied qu’il pratique, commente et organise. Le garçon fait parler de lui, de par ses résultats (une 4ème place sur la TDS en 2016 ou le top 5 sur l’Echappée Belle l’année dernière) mais aussi de par sa présence remarquée sur les réseaux (presque 20 000 abonnés en cumulé). Personnage haut en couleurs et véritable figure du trail hexagonal, nous avions envie de rencontrer Ugo depuis quelque temps. C’est chose faite, puisque nous avons récemment eu la chance de converser avec celui que l’on appelle « le Duc ». Rencontre avec ce touche à tout passionné qui ne s’éloigne jamais vraiment des lignes d’arrivées.
Bonjour Ugo, tout d’abord, pour celles et ceux qui ne te connaissent pas, peux-tu te présenter rapidement ?
Bonjour, je m’appelle Ugo Ferrari et je suis un coureur, organisateur mais également speaker de trail. En résumé, si vous me cherchez le week-end, je serais sûrement sur une compétition puisqu’elles rythment une bonne partie de mon quotidien. Depuis quelques années, on me surnomme « le Duc ». Je crois que, précisément, ce surnom remonte à 2019 où j’avais remporté une course dans le Beaujolais, territoire de François D’Haene. Je voulais alors m’auto proclamer « ambassadeur de Savoie » donc je me suis cherché un titre honorifique. Celui de « Duc » était tout trouvé pour plusieurs raisons : j’aime bien la période du Moyen-Âge et de la Renaissance ; Chambéry est la cité des Ducs de Savoie et j’avais déjà participé à la TDS, la Trace des Ducs de Savoie, en 2016. Tout collait parfaitement donc je trouve que ces petites coïncidences font que ce surnom me va plutôt bien !
Au fil du temps, j’ai donc créé un personnage autour de ce surnom. Ça me permet de développer mon côté blagueur dans ma communication. Avant ce surnom, quand j’avais des propos un peu satiriques, les gens pensaient souvent que c’était du premier degré...
Finalement, ce personnage de « Duc » est très présent, autant sur ton site, tes réseaux que lorsque tu commentes une course ?
Oui, lorsque je suis speaker, mais pas seulement. Je m’en sers dans ma manière de communiquer : lorsque je vais présenter une préparation de course, lorsque je vais faire un compte rendu, je vais pouvoir beaucoup en rajouter, en faire des caisses et me mettre en scène. Je trouve cela assez drôle. En plus de partager mes expériences et ma passion du trail, j’essaie aussi de faire rire les personnes qui me suivent. Des comptes-rendu de course, il en existe des centaines, qu’ils soient faits par des athlètes de haut-niveau ou par des sportifs amateurs. Dans tous les cas, c’est souvent sur le même format ou le même ton. Là, ça me permet de me différencier et de rendre la chose plus vivante. C’est ma petite touche personnelle finalement !
Avant de te mettre au trail, tu as longtemps pratiqué le vélo en compétition. Comment en es-tu arrivé à courir et comment s’est opérée la transition ?
Oui, j’ai d’abord fait du cyclisme sur route puis du VTT pendant plusieurs années à un niveau national. Puis je me suis mis à courir, mais pour être honnête, j’ai très mal fait cette transition [Rires]. À vrai dire, une fois en école d'ingénieur j’avais moins envie de rouler, en partie à cause de la charge de travail qui était très conséquente. J’ai donc totalement arrêté le vélo pendant deux mois. Puis un soir, un peu par hasard, je suis allé courir avec un copain. Ça m’a tout de suite plu donc j’ai enchaîné avec un, deux puis trois entraînements dans la continuité, mais sans me prendre la tête. Après nos partiels, une fois que la masse de travail était retombée, on a commencé à s’ennuyer. On a donc ciblé une course d’une vingtaine de kilomètres, vers chez moi, le Trail de Montagnole, pour nous remotiver. La course s’est assez bien passée malgré une météo détestable et de la pluie sans discontinuer. Pour dire, l’organisation avait même dû détourner le parcours à certains endroits. Un joli baptême du feu, mais qui ne m’a pas du tout dégoûté, au contraire, puisque j’ai ensuite enchaîné avec d’autres courses du même type. Puis dès le printemps suivant, j’ai ciblé des courses plus longues.
En parallèle, je roule toujours beaucoup. Récemment, j’ai été en stage à Tignes donc dans un cadre sympa pour rouler. Je pense que la pratique du vélo représente environ 50% de mon temps d’entraînement, ce qui n’est pas rien.
Peux-tu nous expliquer ce qui te passionne tant dans le trail running ?
Au début, ce que j’aimais beaucoup, c’était le fait que la pratique ne prenait pas énormément de temps. Je courais 3 fois 10 kilomètres dans la semaine, ça me suffisait pour accrocher quelques dossards... Maintenant, c’est vrai que la pratique m'occupe bien plus ! Ce qui m’a vite plu, c’est la découverte. C’est aussi pour cela que j’ai rapidement regardé des courses plus longues, typées ultra, pour le côté aventure. Je me suis rendu compte que grâce au vélo, je connaissais toutes les routes autour de chez moi. Maintenant, la pratique de l’ultra me permet de découvrir ce qu’il y a après le col cycliste, au-dessus. J’ai pu redécouvrir ma région et aller au-delà de la route. Je connais maintenant tous les sommets autour de chez moi !
Tu nous parlais au début d’une fréquence de trois entraînements par semaine. Avec les courses plus longues aujourd’hui, quel est ton nouveau rythme d’entraînement ?
Mon rythme change toutes les semaines, surtout en fonction de mon travail de speaker du week-end. Avec mon entraîneur, on s’adapte au quotidien et mes semaines vont osciller entre 15 et 35 h d’entraînement environ. Cela va dépendre du bloc d’entraînement que l’on veut faire et de ma charge de travail en face, il faut trouver le bon compromis. La seule chose que je m’impose, c’est de ne pas travailler durant le week-end de l’UTMB®. Ces jours-là, c’est moi qui cours !
Très souvent, je fais mes gros entraînements en semaine et je travaille le week-end sur les courses. En juillet par exemple, lors des grosses semaines de préparation pour l’UTMB®, je travaillais tous les week-ends. Je faisais donc des très gros blocs d’entraînement du mardi au jeudi pour ensuite me reposer et seulement travailler durant le week-end.
Tu présentes d’ailleurs souvent l’UTMB® comme ton top objectif de l’année. Qu’est-ce que cette course représente de spécial pour toi ?
En fait, c’est une course que j’ai toujours suivie, même plus jeune lorsque je ne faisais pas encore de trail. Surtout que des amis de mes parents ont participé aux premières éditions, on suivait donc en famille. Ensuite, avec la mise en place du suivi chronométrique, je pouvais suivre l’intégralité de la course. Je regardais le soir le classement et je découvrais le lendemain en me levant que tout était chamboulé. Ça me fascinait. Ensuite, quand j’ai commencé à courir, j’en entendais forcément parler, car c’est la course la plus médiatisée au monde !
C’est quand même quelque chose de mythique ce Tour du Mont-Blanc ! C’est connu mondialement, le plateau est tout simplement le meilleur, la densité est deux fois plus importante que sur n’importe quelle course, … Puis bien-sûr, ce n’est pas loin de la maison [Rires].
À titre personnel, j’y ai déjà participé deux fois, en 2018 et en 2019, et j’y retourne fin août pour ma troisième participation.
Quand on prend en compte tous les aléas qui interviennent lors d’un ultra, penses-tu que la course parfaite existe ?
Oui bien sûr. Si on prend l’exemple de l’UTMB®, il y a 4-5 personnes qui peuvent le remporter : Jim Walmsley, François d’Haene, Xavier Thévenard et lorsqu’ils sont là Kilian Jornet et Pau Cappell. Derrière, il y a tout un tas de coureurs qui, s’ils font la course de leur vie - c’est-à-dire une course qui se passe bien de A à Z - vont pouvoir monter sur le podium. Par exemple, en 2018, sur le podium, il y avait Jordi Gamito. C’est un coureur que j’ai déjà battu sur d’autres compétitions, donc ce n’est pas un ovni par rapport à moi. Pareil, en 2019, tu retrouves Scott Hawker, de qui j’ai déjà terminé assez proche sur d’autres épreuves.
Il y a donc une vingtaine d’outsiders, qui, selon leur préparation et le déroulement de la course, peuvent tirer leur épingle du jeu.
Toi, personnellement, quelles sont tes petites astuces pour atteindre cette course parfaite ?
J’essaie de mettre toutes les chances de mon côté. Premièrement, je réfléchis beaucoup en amont de la course, un mois voire un mois et demi avant le départ. Je tâche de penser à tous les petits détails afin de ne manquer de rien : la nourriture, les vêtements à emporter, ... Le changement de chaussures durant la course a également son importance. Comme pour beaucoup, c’est ma famille qui m’assiste sur la course. J’essaie donc de leur préparer un roadbook simple et clair pour qu’ils puissent m’aider au mieux. Normalement, une fois que tout cela est fait, que la préparation n’a pas été perturbée par une blessure ou autre, c’est bon. Cette année, j’ai rajouté un petit stage en altitude, à Tignes, pour arriver encore plus prêt. On verra vite si ça paye !
Après, il y a toujours des inconnus et des imprévus qui s’invitent à la fête, surtout au niveau de la météo. Normalement, trois à quatre jours avant le départ, tu sais à quelle sauce tu vas être mangé. S’il pleut toute la course, tu sais que ça va être l’horreur.
As-tu une anecdote à nous partager sur l’un de tes ultra-trails ?
En 2019 sur l’UTMB®, j’ai eu une déshydratation assez tôt dans la course. Ça avait été le cas pour pas mal de monde cette année-là. En fait, le temps était très incertain au départ de la course donc on était tous assez habillés, même si les températures étaient assez chaudes. Dans la première bosse, avec l’intensité de l’effort, on s’est tous déshydratés. C’est d’ailleurs pour ça que beaucoup ont arrêté à Courmayeur, transis de crampes. Moi, je n’étais pas bien et arrivé au col de la Seigne, je me rends compte que mes urines sont vraiment très foncées. Et le problème est qu’à cet endroit, tu es seulement à 6 h de course. Je me voyais mal arriver jusqu’à la ligne dans cet état.
Je me suis donc retrouvé à aller courir dans les ruisseaux à droite à gauche pour remplir mes flasques et boire énormément afin de tenter d’inverser la tendance. Quand je suis arrivé à Courmayeur, ça allait mieux, même si j’avais perdu beaucoup de temps. Je repars du ravito à bloc, content d’avoir enfin réglé ce problème, et d’un coup je fais une grosse fringale : obsédé par le besoin de boire, j’en avais oublié de manger…
Ce n’était pas la situation rêvée, surtout qu’à ce moment-là tu es au beau milieu de la montagne, à 2 500 m d’altitude et il est une heure du matin. Si tu as un problème, tu es tout seul et tu dois te débrouiller. Tu peux toujours t’amuser à appeler le PC course, mais ils ne vont pas arriver au bout de deux minutes en claquant des doigts…
Au contraire, un meilleur souvenir ?
Un très bon souvenir… Il y en a tellement de bons souvenirs [Rires] ! En 2016, sur la TDS, lorsque je termine quatrième. J’étais très en forme et j’ai fait une super course alors que je ne m’y attendais pas. Les derniers kilomètres avaient été très difficiles, mais à la fin, entrer dans Chamonix en quatrième position et premier français était incroyable. Je m’étais beaucoup entraîné toute l’année, mais sans jamais me sentir vraiment en forme et ce jour-là ça a payé. Un peu comme cette année d’ailleurs…
Quelle autre course te fait également rêver et pourquoi ?
Je pense qu’un voyage qui me fait rêver, ce serait d’aller faire une des deux courses mythiques des USA : la Hardrock ou la Western States. C’est tellement loin et gros qu’il faudrait que je parte un mois ou deux afin de m’imprégner de l’ambiance, de l’atmosphère, de découvrir cette culture totalement différente. Finalement, la course serait plus un prétexte pour me rendre sur place et visiter le Colorado, ses montagnes et ses parcs nationaux. J’irai bien faire une course en Chine aussi, mais pour cela il faudrait que je trouve quelque chose de sympa avec un beau paysage qui me permette aussi de découvrir une nouvelle culture. À voir comment cela se développe avec le nouveau circuit de course by UTMB®, si j’ai l’opportunité de me rendre sur place.
Mais bon, il y a déjà tellement de choses à faire en France ou en Europe.
C’est sûr qu’il y a pas mal de courses et que le calendrier est bien chargé…
Oui c’est sûr. [Rires] Ce dimanche par exemple, je vais faire la course de Val Thorens, et malgré le fait que la course existe depuis de nombreuses années et sa proximité, je n’y suis jamais allé. Ce sera donc l’occasion de découvrir une nouvelle course et un coin sympa. Ce sont des organisations de stations donc généralement nous sommes bien reçus. C’est aussi pour les gens qui sont en vacances, comme le Tignes Trail que j’anime la semaine d’après. Il y a beaucoup de distances relativement faciles pour permettre aux gens présents dans la station de se faire plaisir. Généralement ils mettent un trail d’une quarantaine de kilomètres pour attirer quelques coureurs régionaux.
Là, justement, je vais faire le 42 km qui sera mon dernier gros effort dans ma préparation de l’UTMB®. Je ne vais donc pas arriver très frais au départ. Le but du jeu sera réellement de se mettre minable sur la course [Rires]). Donc je ne vais pas spécialement réfléchir, je vais quand même doser mon effort pour ne pas terminer en marchant, mais je vais y aller franchement en m’engageant totalement.
Ensuite derrière, selon ce qu’il reste dans le réservoir, il y aura une longue sortie à vélo sur un rythme très doux afin de simuler une fin d’ultra et la fatigue musculaire qui l’accompagne. Le lendemain bien sûr, je précise. Même si j’ai déjà fait un autre effort juste après une course.
(ndlr : depuis l’interview, Ugo a été à Val Thorens, où il s’est classé 8ème).
Tu n’avais pas assez donné pendant la course ?
C’était en 2019, j’avais fait la course de Montreux en Suisse. C’est quand même 55 km avec 4 000 m de dénivelé, une bonne course montagneuse. Le soir, j’étais retourné faire 6h d’aller-retours dans une bosse pour vraiment me matraquer les jambes à la descente. J’avais fini à 2 ou 3 h du matin sous l’orage, à marcher dans un torrent de boue. C’est vraiment un souvenir délicieux [Rires]).
Ça avait été une journée à 7 000 m de dénivelé. Généralement, les coachs recommandent de faire un gros effort 3 à 5 semaines avant la course donc là, c’était l’occasion de faire une très grosse dernière séance. Après bien sûr, il y a eu 3-4 jours de repos pour bien récupérer.
Depuis combien de temps es-tu suivi par un coach ?
Je suis avec Patrick Bringer depuis janvier 2016. Avant, en 2015, j’étais avec Mathieu Bonnand. Lui était plutôt spécialisé sur les courses de 45-50 km. C’est pour ça que je ne suis resté qu’une seule année avec lui, je voulais ensuite m’orienter plus sur de l’ultra et des longues distances. Il m’a cependant permis de passer de beaux paliers physiques sur ce type d’effort de 5 à 7 h. Il ne se sentait pas assez spécialiste pour continuer de me préparer sur des efforts plus longs. J’en garde de très bons souvenirs.
Tu cours depuis quelques années avec les produits Altra. Comment ta relation avec la marque s’est-elle créée ? Pourquoi Altra d’ailleurs et pas une autre ?
En 2016, j’étais dans la Team Adidas et très peu de chaussures me convenaient, car j’ai un pied assez large. Je me suis donc retrouvé à faire la TDS, 117 km en montagne, avec les Adidas Adios, une paire de chaussures destinée au semi-marathon et à la course sur route. C’étaient les seules chaussures de la gamme qui avaient un chaussant assez large pour me convenir. Il ne pleuvait pas donc je me suis dit « aller c’est bon ça va passer ». En plus les chaussures avaient une semelle Continental® donc je disposais d’une bonne accroche.
Ensuite, la Team Adidas s’est arrêtée. Au même moment j’avais vu des vidéos sur le minimalisme, et j’avais aperçu la publicité de la marque Altra. J’ai été intrigué par la particularité du Zero Drop et de la Toe Box plus large donc j’ai acheté une paire de Lone Peak d’occasion. Dès les premières sorties, je me suis vraiment senti très bien dans ces chaussures.
J’ai fait mes petites recherches et j’ai trouvé le numéro du responsable de la marque en France, un ancien d’Adidas. Je l’ai appelé en me présentant, en donnant quelques-uns de mes résultats et surtout en insistant sur le fait que je me sentais bien dans les produits de la marque. Je lui ai demandé s’il pouvait m’aider en me donnant quelques paires de chaussures. Il a accepté et la relation s’est créée comme ça. La marque était encore très petite en France. Depuis, elle continue de se développer, tout comme notre collaboration puisque je reçois de plus en plus de chaussures tous les ans, un peu de textile…
En 2020, nous avons créé la Team Altra France. Cette année, ils m’ont mis dans la Team Europe avec Grinius et Hajnal. Pour le moment, j’ai fait une année relativement moyenne donc il va falloir que je me rattrape à l’UTMB® [Rires] ! En tout cas, d’années en années, c’est de mieux en mieux, la marque se structure, ils font du textile, les dotations s’améliorent. Ça se développe bien et notre relation est très bonne donc c’est super positif.