L’état des lieux est sans appel : les glaciers du monde entier disparaissent inexorablement. Fragilisés par la hausse des températures causée par l’activité humaine, ils fondent petit à petit. Face à ce constat, certains acteurs ont décidé de s’engager et de tout mettre en œuvre pour sauver ces paradis blancs. C’est le cas de Matthieu Tordeur qui a décidé de participer à l’initiative de Mammut appelée Together for Glaciers.
Cette campagne, orchestrée par l’équipementier de haute montagne, s’inscrit dans une volonté forte de sensibiliser le grand public à la disparition de ces écosystèmes.
Nous avons eu la chance de rencontrer Matthieu Tordeur, dans le cadre de sa collaboration avec Mammut. Il nous raconte ici son aventure à la découverte des plus beaux glaciers des Alpes le long de la mythique Haute Route entre Chamonix et Zermatt. L’occasion de nous transmettre les moments forts de son expédition, mais aussi ses apprentissages et ses espoirs sur les sujets environnementaux. Il nous a également partagé quelques conseils sur comment nous engager à notre échelle dans cette lutte contre le réchauffement climatique.
Bonjour Matthieu, pour ceux qui ne te connaîtraient pas encore, pourrais-tu te présenter ?
Je m’appelle Matthieu Tordeur, j’ai 29 ans et je suis un aventurier. J’ai un parcours un peu atypique... Tout a commencé au cours de mes études (en Angleterre puis à Paris) au cours desquelles j’ai eu la chance d’avoir du temps libre l’été. Une occasion rêvée pour vivre mes premières aventures et expéditions outdoor.
Au début, ces aventures étaient faites en amateur et peu préparées, puis au fil des années, elles ont commencé à se professionnaliser. Aujourd’hui, je me présente finalement comme un aventurier. C’est un peu le seul mot que j’ai trouvé pour définir ce que je fais : des expéditions aux quatre coins du monde. Ces explorations me permettent de rapporter des histoires que je partage en écrivant des livres, en tournant des films, mais également en intervenant lors de conférences. C’est cette triple casquette de conférencier, réalisateur et auteur qui me permet d’avoir une voix qui porte aujourd’hui et d’alerter sur certains sujets qui me paraissent importants.
Tu es membre de la société des explorateurs français, peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?
En effet, je suis maintenant membre de la Société des Explorateurs Français. Il s’agit d’une institution regroupant des personnalités aux parcours extra-ordinaires tels que des scientifiques, photographes, écrivains, aventuriers, journalistes, diplomates ou réalisateurs de films. Nous avons tous un point commun : la volonté de transmettre et partager l’aventure.
Sylvain Tesson, Thomas Pesquet ou encore Mike Horn font également partie de la société des explorateurs. Elle m’apporte donc un réseau, mais également une crédibilité auprès de mes partenaires et sponsors. Par-dessus tout, ce sont des personnes qui, au fil du temps, sont devenus des amis, et avec qui je partage une dimension à la fois solidaire et fraternelle.
Peux-tu nous parler de ce projet de documentaire sur la Haute Route ?
« Le projet était de faire « parler les glaces », c’est-à-dire d’observer scientifiquement comment les glaciers évoluent actuellement pour pouvoir prédire leurs mouvements futurs. »
La Haute Route c’est un itinéraire classique entre Chamonix et Zermatt qui traverse les Alpes françaises et suisses, et qui fascine tous les amateurs de ski de randonnée. L’idée était de partir à la découverte de cette route historique, pour sensibiliser le grand public à la réalité des glaciers alpins. Pour cela nous avons donc décidé de tourner un documentaire en collaboration avec Ushuaïa TV.
Le projet était de faire « parler les glaces », c’est-à-dire d’observer scientifiquement comment les glaciers évoluent actuellement pour pouvoir prédire leurs mouvements futurs. Dans ce film, nous avons donc beaucoup détaillé le fonctionnement d’un glacier. Nous avons effectué beaucoup de mesures, afin de regarder l’état de la fonte annuelle, l’accumulation s’il y en a eu…
Pourquoi avoir choisi de t’engager avec Mammut dans l’initiative Together for Glaciers ?
Nous nous sommes principalement concentrés sur l’analyse de certains glaciers des Alpes. C’est donc tout naturellement que nous nous sommes rapprochés de Mammut, choix qui faisait totalement sens à notre démarche. Mammut est en effet une marque de référence implantée au cœur de la Haute-Savoie et spécialisée dans l’équipement de montagne. Elle nous a été d’une grande aide pour nous fournir le matériel nécessaire notamment pour le ski de randonnée.
Mammut est également très engagée sur les problématiques liées au dérèglement climatique et a créé depuis peu l’initiative Together for Glaciers pour préserver les glaciers. Notre projet s’est donc révélé être le point de départ de leur campagne en France.
Pourrais-tu nous parler du rôle que cette aventure joue dans la campagne “Together for Glaciers” ?
Dans la campagne internationale Together for Glaciers, trois personnages clés ont été choisis pour sensibiliser le grand public et raconter leurs aventures avec les glaciers. Nico Hojac (alpiniste), Corinne Weidmann (peintre et snowboardeuse) et Christoph Sager (gardien de refuge), y relatent comment leurs relations aux montagnes et aux glaciers les ont poussés à s’engager pour les défendre.
Mon aventure sur la Haute Route est le relais de cette campagne internationale en France, qui a pour intention de sensibiliser les amateurs d’aventures outdoor au réchauffement climatique. Mammut et moi-même sommes des messagers, nous souhaitons faire prendre conscience aux personnes qui nous suivent, de l’urgence climatique et de l’impact que nous avons sur nos terrains de jeux favoris : les glaciers alpins.
Qui sont les personnes qui t’ont accompagné pour cette aventure sur la Haute Route et pourquoi les avoir choisies ?
J’étais accompagné par Inès Dussaillant Lehmann, une glaciologue émérite. Elle est capable d’interpréter les passé des glaces en les observant mais aussi de prédire leur avenir et leur évolution. Je ne suis pas un professionnel de la montagne, j’ai beaucoup de connaissances sur le monde polaire, mais cela ne suffit pas lorsque l’on s’engage dans une aventure comme celle-ci. Lise Billon, une guide de haute montagne, nous a donc également emmené sur les itinéraires de cette région qu’elle connaît comme sa poche. Cédric Gras, écrivain voyageur et fin connaisseur du monde de la montagne, nous a rejoint pour pouvoir relater l’expérience de sa plus belle plume. Deux caméramans étaient également présents pour réaliser le film.
« Nous avons chacun apporté notre point de vue personnel sur cette expérience hors du commun. »
L’idée de partir tous les quatre est de raconter chacun, avec nos connaissances, notre aventure humaine. Nous avons chacun apporté notre point de vue personnel sur cette expérience hors du commun. Lise était plus portée sur le défi sportif et athlétique, Cédric sur l’histoire de la Haute Route et Inès sur l’impact scientifique de cette expédition. De mon côté, j’ai analysé ce que la Haute Montagne m’évoquait et les similitudes que l’on pouvait retrouver avec le monde polaire.
Peux-tu nous décrire les étapes de cette aventure exceptionnelle ?
Nous avons rallié Chamonix à Zermatt en ski de randonnée en 10 jours. La Haute Route passe par les sommets les plus prestigieux des Alpes et traverse les glaciers les plus majestueux situés entre 3 000 et 4 000 m d’altitude.
Nous nous sommes donc engagés dans cette aventure de haute montagne, et nous avons voyagé de refuge en refuge, d’abord en France puis en Suisse. Notre itinéraire était un peu rallongé par rapport à l’itinéraire historique de la Haute Route. Tout au long de ce raid, nous avons eu la chance de traverser des paysages à couper le souffle. Mais nous avons également pu observer et constater l’impact que le réchauffement climatique a sur nos glaciers de haute montagne. Au-delà des constatations scientifiques, cette aventure en haute altitude retrace le chemin des trésors alpins qui nous entourent.
Quel était le but de cette expédition ?
Le film en collaboration avec Ushuaïa TV est le cœur de cette expédition. Par le biais de ce documentaire, nous avons souhaité montrer au grand public l’évolution des glaciers. Il retrace entièrement notre aventure et ces dix jours de raid à travers les glaciers.
« J’ai essayé tout au long de l’aventure d’être le défenseur de l’idée que l’on n’est pas obligé de partir en Antarctique ou à l’autre bout du monde pour vivre des expériences. »
La Haute Route est un symbole des amateurs de ski de randonnée, et en fait rêver plus d’un. En partant de cette figure, nous avons souhaité raconter les difficultés et imprévus que nous avons pu rencontrer. Parallèlement, nous souhaitons passer un message plus global concernant l’évolution des glaciers, notre impact sur l’environnement et notre façon de voyager de manière générale.
J’ai essayé tout au long de l’aventure d’être le défenseur de l’idée que l’on n’est pas obligé de partir en Antarctique ou à l’autre bout du monde pour vivre des expériences. L’aventure se trouve aussi proche de chez nous, dans les Alpes.
Quels souvenirs gardes-tu de cette aventure ?
J’ai un très bon souvenir en particulier : le moment passé au Refuge du Grand Saint Bernard. Situé au niveau du col Grand Saint Bernard, il est tenu par une communauté de religieuses. Elles accueillent tous les visiteurs qui passent par cette route.
Lorsque tu arrives à ce refuge, tu es complètement au bout du monde et il y a une atmosphère assez particulière, mais très chaleureuse. Une fois que tu as passé toute la journée dans le froid et que tu te retrouves dans ce petit cocon de chaleur, tu es hors du temps.
« Ça ne sert à rien de jouer les héros lorsque les conditions climatiques ne sont pas réunies. Il faut rester humble face au brouillard, à la tempête »
Nous avons également passé quelques moments très amusants avec l’équipe. Nous partions souvent tôt et pas forcément réveillés. Un matin, Cédric s’est brossé les dents avec un tube d’anti-inflammatoire. Il l’a confondu avec son dentifrice. Grâce à sa petite expérience on sait donc que ça a un goût absolument dégueulasse.
Nous sommes restés bloqués 24 heures dans un refuge à la fin de l’expédition, car la météo était très mauvaise. Nous n’avons pas pris le risque de sortir et nous avons attendu que les conditions s’améliorent. Un rappel que la nature est plus forte que nous. Ça ne sert à rien de jouer les héros lorsque les conditions climatiques ne sont pas réunies. Il faut rester humble face au brouillard, à la tempête.
Quelles ont été tes difficultés pendant le parcours ?
Nous avons eu relativement de la chance, tout au long de l’aventure. Avec la Covid il y avait également très peu de monde. La météo était correcte, et nous n’avons pas eu de grosses difficultés. Certaines fois, nous avons dû enfiler les crampons pour descendre certains cols ou encore descendre en rappel les skis aux pieds dans un couloir.
Pour autant, le parcours reste tout de même bien balisé, je n’ai pas trouvé que c’était si difficile que ça. Lise nous a encadré tout au long de l’aventure et cela nous a bien aidé. Il faut tout de même avoir un bon niveau en ski de randonnée pour s’engager dans une aventure comme celle-ci, rappelons-le.
En comparaison avec ton voyage en Antarctique où l’aventure était solitaire, comment as-tu vécu l’aventure à plusieurs ?
Nous avions un objectif supplémentaire en plus de l’expédition elle-même : tourner le film et raconter l’histoire des glaces et de leur fonte. C’est donc complètement différent des aventures et expéditions que j’ai pu faire auparavant.
Lorsque l’on est une équipe, il faut savoir s’adapter aux personnes qui nous entourent. Il faut également prendre des décisions communes, c’est complètement différent. Cela permet également de se créer des souvenirs, il y a une solidarité entre les uns et les autres qui se met en place. Tu bénéficies des expériences de tout le monde et c’est une manière d’avancer plus rapidement. Par exemple, Lise nous racontait la meilleure manière pour progresser efficacement. On apprend énormément de choses, c’était donc une expédition riche en connaissances et en émotions.
Tes aventures t’ont-elles permis de prendre conscience de l’urgence climatique ?
Bien sûr, mes voyages m’ont permis de prendre conscience de cette urgence climatique. Mais il y a également les personnes que l’on rencontre ou encore les lectures que l’on peut avoir, qui nous font réaliser qu’il faut protéger notre planète. Lorsque l’on voyage on se rend forcément compte de l’impact que l’on peut avoir sur l’environnement. C’est donc tout naturellement que l’on souhaite faire changer les choses. Dans mon cas, c’est surtout les personnes que j’ai pu rencontrer qui m’ont confié les différents changements dont ils ont été témoins.
J’ai seulement 29 ans, je ne suis donc pas parti 100 fois en Antarctique pour te dire « il y a 20 ans les paysages étaient comme cela, aujourd’hui ils sont comme cela ». J’ai peu de recul sur le changement climatique, je n’ai pas d’expérience de premier plan encore. J’en aurai certainement plus tard, mais pour le moment, j’en ai moins que des personnes qui vont sur le terrain et ont dédié leur vie à ça. Lorsque je suis parti au Groenland ou en Antarctique, j’ai rencontré des personnes qui m’expliquaient qu’il y a 20 ans il y avait de la glace ici, des phoques là-bas… Ou encore que les ours polaires sont de plus en plus difficiles à voir. Grâce à mes voyages et mes expéditions, je suis donc témoin de tous ces changements.
« Je souhaite être le témoin de tous ces changements climatiques et j’essaye de faire le lien entre la communauté scientifique, qui a parfois du mal à être entendue, et le grand public. »
Je reste tout de même dans une posture délicate, en général pour mes expéditions, je pars loin, et en effet ce n’est pas forcément le comportement idéal. J’essaye donc d’en parler dans mes livres, lors de mes conférences … Je souhaite être le témoin de tous ces changements climatiques et j’essaye de faire le lien entre la communauté scientifique, qui a parfois du mal à être entendue, et le grand public. Et cela passe par des aventures, parce que les aventures ça passionne le grand public. Mon expédition en Antarctique, comme celle de la Haute Route, permettent donc de faire passer un message et de sensibiliser le grand public à l’urgence climatique.
Que nous conseillerais-tu d’adopter comme gestes du quotidien pour une transition vers un comportement responsable et pour être acteur du plus grand défi que nous avons dans notre siècle : la transition écologique ?
Je n’ai aucun conseil révolutionnaire, c’est tout ce qu’on sait déjà. Pour ma part, je pense que la limitation de notre consommation de viande est un levier important. C’est une des causes assez dramatique du réchauffement climatique et du dérèglement des émissions de CO2. Éviter de manger de la viande à tous les repas est un petit effort qui ferait la différence. J’essaye donc personnellement de limiter toute ma consommation de viande qui provient des élevages intensifs. C’est un des premiers conseils que je donnerais, c’est très facile à faire.
Le second, c’est l’avion. Personnellement, je ne suis pas prêt à arrêter de prendre l’avion… Mais les petits trajets par les airs doivent réellement être arrêtés et remplacés par le train ou d’autres moyens de locomotion plus respectueux de l’environnement. À chaque fois que l’occasion se présente, j’essaye de prendre le TGV. Il y a un très gros levier concernant le transport et tous nos déplacements en général. Si vous pouvez vous déplacer à vélo, faites-le !
Quel message souhaites-tu passer aux amateurs d’aventures outdoor et d’expédition ?
L’aventure n’a pas besoin d’être lointaine pour être intense. Il y a de très belles choses à vivre près de chez nous. Nous vivons dans un endroit, l’Europe, où il y a une diversité de paysages et de climats gigantesques. On peut aussi ressentir les sentiments d’évasion et d’aventures près de chez soi. L’intensité, la liberté est aussi au cœur des Alpes ou en Normandie. On pense souvent à des ascensions sur des montagnes lointaines, alors que nous avons un très beau terrain de jeu près de chez nous. Il n’y a pas besoin de partir loin, avec des budgets très élevés ou encore des conditions logistiques complexes.
« L’aventure n’a pas besoin d’être lointaine pour être intense. »
Pour cette aventure, j’ai pris un train de Paris à Chamonix, puis nous avons parcouru la Haute Route en ski de randonnée et j’ai repris un train en Suisse pour rentrer à Paris. Et pourtant nous avons réussi à regrouper tous les ingrédients pour une aventure engagée que l’on pourrait faire à l’autre bout du monde. Il y a une dimension aventure et expédition qui est très forte. Et nous avons réussi à avoir un bilan carbone très faible.
Cette aventure en collaboration avec Matthieu Tordeur est le point de départ d’un grand périple pour préserver les glaciers, mais surtout pour participer à des initiatives réelles et concrètes pour l’environnement. Si vous souhaitez en savoir plus sur l’aventure de Matthieu Tordeur et de ses compagnons de route, nous vous invitons à regarder le film qui sortira cet hiver sur Ushuaïa TV.
Mammut de son côté, va continuer à s’engager pour les glaciers, en collaboration de nombreux athlètes, aventuriers … qui ont la même volonté que la marque : préserver leur terrain de jeu. Enfin, à travers ces histoires romancées, comme cette aventure de Matthieu Tordeur, Mammut souhaite passer un message plus global : tout le monde fait partie de la solution pour accéder à un monde plus durable.
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