Alors que la construction d'un bateau émet près de 600 tonnes de CO2, Armel Trippon, skipper professionnel, s'est lancé un défi de taille : celui de construire un IMOCAà partir de déchets de l'aéronautique, divisant ainsi son impact environnemental par deux. À quelques jours de la mise à l’eau de son nouveau bateau, Armel Tripon nous parle de son projet et de son soutien à l’association Les P’tits Doudous.
Bonjour Armel, nous sommes ravis de vous accueillir pour cette interview. Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas encore ?
Bonjour ! Je suis Armel Tripon, skipper de l’IMOCA Les P’tits Doudous, qui vient tout juste d’être construit. Je suis coureur au large depuis 2003.
Votre parcours a été jalonné de très belles courses au large et de quelques victoires marquantes, comment abordez-vous la compétition ?
J’aborde beaucoup la compétition sous le prisme du jeu ! C’est un sport, une passion, mais ce qui m’anime avant tout c’est de jouer avec les éléments, avec les autres concurrents et surtout avec mon bateau. Ça m’a toujours semblé une bonne approche d’avoir un peu de détachement sur les choses et d’être dans un état d’esprit assez léger.
Quelles sont les principales difficultés auxquelles vous avez eu à faire face au cours de votre parcours de skipper professionnel ?
Les principales difficultés rencontrées au fil de mon parcours de skipper, je dirais qu’elles ont surtout été de rebondir d’un projet à un autre. Par définition, le sponsoring reste assez éphémère : il y a des projets qui démarrent, qui durent un, deux, trois, quatre ans, et puis qui s’arrêtent assez brutalement.
Il faut rebondir, recréer des choses. Ça demande beaucoup d’énergie et de résilience, mais en même temps, c’est aussi riche de rencontres et de rebondissements !
Vous êtes engagé pour la préservation des océans, et œuvrez notamment depuis plusieurs mois à la construction d’un nouvel IMOCA à partir de carbone recyclé. Quelles ont été vos motivations pour entreprendre ce projet ?
La motivation pour entreprendre le projet de construire un bateau plus durable et plus économe me vient d’une prise de conscience personnelle, il y a quelques années : à la base, nos bateaux sont construits avec des matériaux assez polluants.
J’ai ensuite fait une rencontre avec le Technocentre Airbus, qui avait du carbone déclasséqui partait à la poubelle. Je me suis dit que c’était vraiment un non-sens de jeter à la benne autant de matière première de cette qualité.
C’est comme ça qu’on a imaginé conjointement le projet. L'idée était de prouver que c'était possible, et in fine de construire un bateau à partir des déchets de l’aéronautique.
Quelles ont été les grandes étapes et les difficultés rencontrées pour mener à bien ce projet ?
La première grande étape de ce projet ambitieux a été d’imaginerconcevoir ce bateau. Ensuite, il a fallu valider la faisabilité : une fois que l’on avait décidé de concevoir ce bateau avec cette matière première spécifique, il fallait vérifier qu’au niveau mécanique, c’était possible.
La recherche de financement a ensuite été une grosse étape, qui a duré quelques temps. Et puis est arrivé le lancement de la construction chez Duqueine Atlantique, avant de finalement arriver à la fin de la construction de ce bateau.
À chaque fois, ce sont des grands moments assez forts. Et on attend avec impatience la mise à l’eau de ce bateau Les P’tits Doudous, qui sera certainement le plus fort en émotion !
Au-delà de la réutilisation de fibres de carbone, quelles ont été vos autres initiatives pour réduire l’impact environnemental de ce nouveau bateau ?
Pour réduire l’impact environnemental, et plus concrètement le diminuer de 50 %, ce qui n’est pas rien puisqu’on passe de 600 tonnes de CO2 émises à 300 tonnes, on a plusieurs leviers : la réutilisation de carbone déclassé, l’utilisation d’un outillage déjà existant (nous avons repris les moules du bateau du célèbre navigateur Boris Herrmann).
On a aussi toute la gestion de nos déchets plastiques, puisqu'il faut savoir que la construction d'un bateau en génère beaucoup, pour lesquels nous avons mis en place plusieurs filières permettant de retraiter tous ces plastiques, ce qui est une première dans l’industrie.
On est aussi en train de mettre en place une collecte du titane médical, dans tous les blocs opératoires dans lesquels œuvre l’association « Les P’tits Doudous », afin qu’il soit recyclé pour en faire des pièces d’accastillage.
Vous êtes le parrain de l’association « Les P’tits Doudous », pourriez-vous nous présenter l’association ?
Je suis le parrain de l’association « Les P’tits Doudous » depuis 2021. Il s’agit d’une association de soignants, qui œuvre un peu partout sur le territoire français mais aussi à l’étranger pour rendre le parcours des enfants au bloc opératoire plus ludique, qu’il soit vécu comme une aventure et plus comme un traumatisme.
Ils suppriment ainsi la pré-médication, c’est un vrai changement dans leur manière de travailler qui permet de diminuer l’anxiété chez l’enfant et apporte plus de sérénité dans les blocs opératoires. Les soignants travaillent mieux, les enfants sont moins stressés et il y a ainsi moins de traumatismes liés à ces opérations.
L’association s’appelle « Les P’tits Doudous » parce qu’à la fin du parcours opératoire de l’enfant, il a été très fort et il est récompensé avec un petit (ou un gros) doudou !
Quel message souhaitez-vous faire passer à travers votre soutien à cette association ?
Le message que je veux faire passer à travers cette association, qui se finance uniquement sur le recyclage des métaux à usage unique utilisés au bloc opératoire, c’est qu’avant de jeter quelque chose, il est important de réfléchir et de changer un peu de paradigme. À l’image de ce bateau, on peut construire des choses à partir des déchets de certaines industries.
Avec une gestion plus rationnelle et plus économe de nos ressources, nous pouvons ainsi envisager un avenir meilleur.
Justement, quel est l’impact de ce partenariat pour l’association ?
L’intérêt d’associer « Les P’tits Doudous » à ce projet de l’IMOCA, c’est de leur donner encore plus de visibilité et de rayonnement. Aujourd’hui, ce sont 1 500 soignants, mais demain ils seront peut-être ainsi 10 000. Il y a encore plein d’enfants qui ne sont pas soignés avec cette approche plus ludique.
Ce bateau va porter les couleurs de l’association grâce à des mécènes qui nous soutiennent, et ainsi mettre en lumière ce travail quotidien des soignants engagés auprès des enfants et de leur prise en charge médicale.
Vous êtes dans la dernière ligne droite de cet incroyable projet ! Comment vous sentez-vous à l’approche de sa concrétisation ?
On est en effet dans la dernière ligne droite pour finir ce bateau, il y a une énergie fabuleuse dans l’équipe, au sein de l’association et chez les mécènes qui nous suivent. On est portés par cette énergie et cet enthousiasme. On espère pouvoir le mettre très vite à l’eau et enfin faire naviguer ce beau bateau !
Merci beaucoup Armel ! Pour terminer, auriez-vous un message à faire passer aux amateurs d’aventures outdoor ?
Continuez à vivre des aventures extraordinaires, à profiter de cette nature sauvage qui nous entoure, et surtout, respectez-la, en faisant attention à votre empreinte carbone !
Nous tenons à remercier chaleureusement Armel Tripon pour son temps et son engagement, envers notre planète mais aussi envers ces soignants et enfants. Ses mots sont une véritable source d’inspiration pour nous pousser à trouver des solutions pour limiter notre empreinte environnementale et imaginer le futur de notre planète ! Si vous avez d'autres questions, n'hésitez pas à nous contacter via notre Centre d'aide, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.
Estelle Vandevenne
Originaire de Haute-Savoie, Estelle est amoureuse de ses belles montagnes. Escalade, ski, randonnée, vélo, chaque sport est un nouveau prétexte pour aller profiter de la nature, qu'elle arpente maintenant la plupart du temps en compagnie de son petit garçon baroudeur. Elle sera ravie de vous aider dans le choix de votre matériel ou de votre prochaine aventure !
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