Heïdi Sevestre, à quoi servent les glaciers ?

Le constat est sans appel : nos glaciers fondent, affaiblis par les changements climatiques engendrés par l'activité humaine. Mais connaissez-vous réellement le rôle de nos glaciers et leur importance ? Quelles conséquences la fonte des glaciers peut-elle avoir ? 
Nous avons eu la chance de rencontrer Heïdi Sevestre, glaciologue française, dans le cadre de sa collaboration avec Helly Hansen. Elle nous raconte ici son engagement et ses expéditions pour rendre les glaciers accessibles au plus grand nombre. L’occasion de nous transmettre ses connaissances sur les géants blancs qui nous entourent.

Bonjour Heïdi, pour ceux qui ne vous connaîtraient pas encore, pourriez-vous vous présenter  ?

Je m'appelle Heïdi Sevestre, je suis glaciologue et je travaille pour le secrétariat de l'AMAP, l'Arctic Monitoring and Assessment Programme, l'un des groupes de travail du Conseil de l'Arctique. Ma spécialisation porte sur la dynamique des glaciers, les glaciers tropicaux et les barrières de glace en Antarctique.
En plus de nombreuses expéditions scientifiques, j'ai à cœur de rendre la science du climat et des glaciers accessibles au plus grand nombre. Je suis également autrice de deux livres : « Sentinelle du Climat » aux Éditions HarperCollins France, et « Demain c'est nous » aux Éditions du Faubourg.

Quel est le rôle d’un glaciologue ?

Si l'on regarde la définition, un glaciologue est un spécialiste de la glace et des glaciers. Pour moi, c'est plus que cela : c'est être à l'écoute des glaciers, essayer de les comprendre davantage, et aujourd'hui particulièrement, comprendre comment ils réagissent au changement climatique, et quelles seront les conséquences de leur fonte sur notre société. 
Mon rôle est de mener des recherches portant sur les glaciers, notamment liées au réchauffement climatique, et à l'impact que celui-ci peut avoir sur nos géants blancs.

Pouvez-vous nous expliquer comment se forme un glacier  ? 

Un glacier se forme par l’accumulation de neige, qui, sur plusieurs années, continue de s’accumuler, devient de plus en plus dense, compacte, et se transforme en glace. On trouve aujourd’hui des glaciers là où il fait encore froid une bonne partie de l’année, pour que la neige ne disparaisse pas totalement pendant l’été, donc dans les hautes montagnes de notre planète. Les plus grandes masses de glace sur Terre se trouvent aux pôles : le Groenland et l’Antarctique.

Quels types de glacier existe-t-il sur Terre ?

On peut distinguer les glaciers par leur température, leur géométrie, leur comportement, leur localisation géographique et les milieux dans lesquels ils se trouvent. Par exemple, on peut trouver des glaciers tropicaux le long de l’Équateur, des glaciers froids dans l’Arctique, des glaciers en pleine accélération en Himalaya, ainsi que des glaciers qui terminent dans l’océan, etc.

À quoi servent les glaciers, quel est leur rôle sur Terre ?

Les glaciers sont d’abord de formidables baromètres du climat. Dès que les précipitations et/ou les températures changent, les glaciers réagissent. Leur importance tient aussi au fait que pendant l’été, les glaciers fondent et apportent ainsi de l’eau douce aux écosystèmes, à nos lacs, nos rivières et nos fleuves. Plus de 2 milliards de personnes sur Terre utilisent l’eau des glaciers pour produire de l’énergie ou, pour irriguer des cultures par exemple. Les glaciers sont donc d’une importance cruciale.

Quelles sont les conséquences de la fonte des glaciers ?

Le plus inquiétant est lié aux ressources saisonnières en eau douce qui vont considérablement changer si les glaciers disparaissent. La fonte des glaces peut aussi créer des risques en montagne, tels que la vidange de lacs glaciaires ou la rupture de poches d’eau de fonte, qui peuvent avoir des conséquences claires sur les activités de haute montagne et sur les infrastructures environnantes. La fonte des glaciers contribue aussi à l'élévation du niveau des océans.

Les glaciers de montagne contiennent suffisamment de glace pour augmenter le niveau des océans de 40 cm, mais n’oublions pas les deux calottes polaires qui, ensemble, peuvent augmenter le niveau des océans jusqu’à 65 mètres. Enfin, il ne faut pas oublier les conséquences culturelles de la perte des glaciers. Dans de nombreuses régions, ces glaciers sont sacrés. Ils font la fierté des populations. En disparaissant, ils emportent avec eux cette part de sacré et d’émerveillement.

Pourquoi faut-il sauver les glaciers ?

Parce que notre avenir en dépend directement ! Les glaciers sont aujourd’hui directement menacés par nos activités. Plus on brûle d’énergies fossiles, plus les glaciers fondent. Comme si cela ne suffisait pas, dans certains endroits, on leur donne des coups de bulldozers pour rallonger des domaines skiables, pour arranger des pistes de ski. Cela ne peut plus durer. On s’attaque aux biens communs quand on s’attaque aux glaciers. 

Comment préserver les glaciers ?

Dans un premier temps, éliminer progressivement les énergies fossiles. Ensuite, améliorer la qualité de l’air. Enfin, leur donner un statut de protection plus élevé. Et surtout, ne pas penser que la géo-ingénierie les sauvera. Il n’y a pas de baguette magique pour sauver les glaciers. Je vous invite d’ailleurs à écouter un podcast que j’ai réalisé sur le sujet si vous souhaitez en savoir un peu plus : Peut-on préserver les glaciers ?.  
 

Pouvons-nous à notre échelle préserver les glaciers ?

Je pense que toutes nos actions au quotidien peuvent soit accélérer soit ralentir la fonte des glaces. Que ce soit dans nos choix alimentaires, dans notre mobilité, dans notre façon de nous habiller, ou encore lorsque l’on décide pour qui voter. Nous avons tous un rôle à jouer : car cumulées, les initiatives individuelles peuvent avoir un réel impact sur l’état futur de notre planète et de nos glaciers. Il faut se battre pour chaque glacier, pour chaque dixième de degré.

Quels sont les gestes à adopter pour préserver l’environnement et les glaciers ?

Le premier est de voter pour des personnes qui respectent le travail scientifique et comprennent l’urgence absolue dans laquelle nous sommes. Ensuite, de s'éduquer sur ces sujets, avec des livres, des articles de blogs ou encore des podcasts.

Comme le dit Jean-Louis Étienne, médecin français, « il faut utiliser son cercle d’influence, ses propres outils pour faire la différence ». Donc, examiner de près comment, dans son quotidien, on peut participer à réduire l’impact de l’homme sur son environnement, comment on peut réduire sa propre empreinte carbone (alimentation, mobilité, consommation du quotidien, chauffage, électricité, etc.). Une autre piste très intéressante est d’avoir une banque qui ne finance pas les énergies fossiles.

Quel message souhaitez-vous passer aux amateurs d’aventures outdoor ?

Qu’on a besoin d’eux ! Aimer les aventures outdoor, c’est aussi aimer ces paysages de nature. Comme le dit si bien Baba Dioum : « On protège ce que l’on aime, on aime ce que l’on comprend, et on comprend ce qui nous a été enseigné ». Alors, renseignez-vous sur les associations, sur les groupes qui participent à préserver ces paysages. Nous ne sommes jamais en manque d’entraide et de coopération.

Nous tenons à remercier chaleureusement Heïdi Sevestre pour son temps, son engagement et pour transmettre à chacun de nous l’amour des glaciers et des montagnes qui nous entourent. Ses mots sont une source d’inspiration et une véritable invitation à passer à l’action pour préserver nos terrains de jeu ! Si d'autres questions vous passent par la tête, n'hésitez pas à nous contacter via notre Centre d'aide, nous nous ferons un plaisir d'y répondre.